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En Suède, là où l’hydromel est millénaire et abreuvait jadis les Vikings jusqu’au Valhalla, un petit producteur de la Montérégie a raflé le premier prix d’un concours devant des hydromeliers suédois qui comptent des décennies d’expérience. Cet homme, c’est Jacques Fontaine, cofondateur de Miel Fontaine, installé à Sainte-Cécile-de-Milton.
L’histoire se déroule en 2020. Jacques Fontaine, apiculteur depuis 2007, produisait des alcools de miel depuis à peine deux ans. Il était en Suède pour donner une conférence dans un congrès d’apiculteurs professionnels locaux. On lui a demandé à l’improviste de se présenter à un concours, même s’il n’avait que cinq bouteilles de son hydromel Pégase dans sa valise. «Les gens se sont tous levés et ont applaudi quand est venu le temps de noter notre produit, raconte-t-il. C’était complètement inattendu et ç’a été un élément déclencheur pour moi. On a toujours l’impression que ce qu’on fait n’est pas tout à fait à la hauteur. Mais l’accueil réservé à notre produit était tellement positif que je n’avais pas le choix d’y croire!»
Ce qui permet au Pégase de se distinguer parmi les hydromels scandinaves, croit-il, c’est qu’on l’aromatise avec des baies d’argousier, dont l’acidité l’éloigne de certains nectars plus sucrés. C’est quasiment un prérequis pour percer le marché québécois, estime Jacques Fontaine: «Les hydromels sont plus méconnus ici; généralement, les gens s’attendent à un produit sucré. Dans les marchés publics, lorsqu’ils y goûtent, les gens repartent avec une bouteille sept fois sur dix. Ils sont étonnés de la variété de goûts qu’on peut créer avec le miel.»
Un vieux rêve qui devient réalité
Avant d’acquérir ses deux premières ruches, Jacques Fontaine dirigeait deux usines de transformation de métal et d’usinage; sa femme, Louise Provost, était décoratrice d’intérieur. Lorsqu’ils vendent leurs usines en 2005, ils se retrouvent semi-retraités à 40 ans. Ils mettent alors à exécution un vieux rêve qui découle de leur fascination d’enfance pour les abeilles. À l’époque, ni l’un ni l’autre ne connaît le potentiel des alcools de miel.
D’abord apiculteurs, ils découvrent petit à petit le monde des hydromels en goûtant à ce qui se fait à l’étranger. «J’ai commencé en 2018 en faisant des tests, par curiosité, indique Jacques Fontaine. Pour améliorer mes produits, je suis allé chercher une formation auprès d’un œnologue français, afin de mieux comprendre et maîtriser la chimie derrière la fabrication d’alcool.»
Encore aujourd’hui, pour chaque hydromel qu’il élabore, Jacques Fontaine s’assure de mettre un œnologue à contribution pour parfaire ses recettes. Pas de pression de produire plus, seulement de produire mieux. «On va sortir un hydromel à base de miel de sarrasin sous peu. Il m’a fallu deux années pour le peaufiner. Je travaille aussi sur nos futurs hydromels en canette. Je ne presse jamais la sortie d’un produit. Je prends mon temps pour parvenir à un résultat qui me satisfait entièrement.»
Outre l’hydromel, le couple commercialise une panoplie de produits transformés issus de leurs 300 ruches, dont la gelée royale, nourriture exclusive des jeunes larves et de la reine, et la propolis, le «mortier» des abeilles. L’entreprise mise beaucoup sur les formations en apiculture qu’elle donne chaque année de même que sur l’agrotourisme et la vente de matériel apicole. Projet de semi-retraite, Miel Fontaine est donc devenu un travail à temps «plus que plein» pour Louise Provost et Jacques Fontaine, dont l’histoire d’amour avec les abeilles ne semble pas près de se tarir.